Ovni rêveur

Autiste sans parole et poètesse, Babouillec (Les rencontres du Papotin) fait ses premiers pas sur scène sous le regard juste et délicat de Lena Paugam. À ses côtés, Félicien Fonsino accorde sa grâce à la sienne dans un duo sensible où le mouvement des corps répond à l’écriture poétique. Tantôt projeté à la verticale en lettres minuscules ou majuscules, tantôt diffusé en voix off à travers le timbre inimitable d’Arthur H, le texte façonné par Babouillec est sidérant de beauté. Il ouvre un espace d’hyper-sensorialité, célèbre nos singularités magnifiques et sublime la liberté d’être comme on est, sans souci de la norme ou du format adéquat. Chaque phrase distillée au compte-gouttes s’offre comme un cadeau à méditer, une possibilité d’embrasser l’univers.

Présentation de la pièce par la metteuse en scène:

« Nous avons inventé cet Ovni rêveur comme une ode à la liberté d’être soi. Cette pièce pose comme principe fondateur que le lieu de la rencontre, au sens du « commun » à fabriquer collectivement, est dé-situé par rapport à nous-même. Il implique un déplacement vers autre chose, un déplacement de chacun des artistes bien entendu et un déplacement du public lui-même. Il suppose de se mettre en déséquilibre, en vertige. Notre pièce repose sur une large part d’improvisation au présent de la représentation, elle ne sera jamais écrite de manière définitive. Traversé, traversant, en chemin, en route dans le temps, toujours suspendu mais jamais figé, de la présence, notre Ovni est désir par essence. Nous tendons vers lui infiniment au cœur du rêve qu’est le théâtre. La scène ici n’est autre chose qu’un espace-temps partagé ensemble à inventer les modalités de ce rêve éphémère. Il s’agira de promouvoir la fête et la jubilation scénique comme une réponse au monde normatif. Montrer non pas le non-sens mais le sens profondément libéré de toute injonction à produire un discours récupérable et un savoir transmissible. L’espace de la scène s’envisage comme une chambre de possibles où se joue l’acceptation de soi au monde, le partage de soi comme une invitation, sur le mode du rêve et par le biais de la rencontre entre deux personnes réunies au plateau. Babouillec, diagnostiquée « autiste très déficitaire » à l’âge de 14 ans, ne parle pas mais écrit et la puissance de ses mots posés lettre après lettre sur la table nous emporte et nous désarçonne. Rencontrant au plateau le comédien et performeur Félicien Fonsino, elle nous invite ici à « faire de la vie un instant de danse ». Quel est le terrain propice à la rencontre de deux êtres aux réalités existentielles si éloignées ? (…) » Lena Paugam