La sœur de Jésus-Christ

Dans ce village d’Italie, tout le monde est affublé d’un surnom. Simeone, le frère de la jeune Maria, on l’appelle Jésus car Il ressemble au Christ. Maria, c’est cette jeune fille qui s’empare du pistolet Smith & Wesson 9 mm dans le buffet de la cuisine. Elle se rend chez Angelo le Couillon, le jeune homme qui lui a fait violence la veille. Le village prend sa suite, finissant par former un cortège bigarré magistralement représenté par une scénographie époustouflante. Chacun y va de son anecdote sur Maria, livrant tour à tour chaque pan de sa vie. Il y a ceux qui l’encouragent, ceux qui veulent la dissuader, mais rien ni personne ne pourra l’arrêter, lui faire lâcher son arme, pas même sa famille, pas même les gendarmes. Une claque magistrale !

Prix Maeterlinck 2023 de la scénographie

Ce qu’en dit la presse:

★★★★☆ “La sœur de Jésus-Christ” : bon dieu de bon dieu, quelle pièce ! Époustouflant, Félix Vannoorenberghe fait vivre tout un village italien emporté dans la révolte d’une jeune fille qui soudain refuse de porter la croix du patriarcat et embarque dans une marche inéluctable. Ou la Passion selon Saint Georges (Lini), qui signe une mise en scène prodigieuse”– Catherine Makereel – Le Soir 

Quelques mots sur la pièce:

Après Iphigénie à Splott et avant Queen Kong, La Sœur de Jésus-Christ constitue le deuxième volet d’une trilogie que son metteur en scène Georges Lini appelle « triptyque des Antigone ». Pourtant, sur scène, c’est un homme – Félix Vannoorenberghe – qui donne voix au combat féministe de la protagoniste Maria. « Le patriarcat, la domination masculine, nous concernent aussi en tant qu’hommes. C’est donc important pour moi de prendre part à ce combat-là ! », explique le comédien.

La patte de Georges Lini
Il est en tout cas une personne qui suit de près le parcours du comédien depuis ses débuts : Georges Lini. « Il était professeur à l’IAD quand j’y étudiais et il a assisté à mon jury de quatrième année. Il m’a rapidement proposé un spectacle (NDLR : December Man, en 2017) que j’ai bien sûr accepté. Et en 8 ans, j’ai fait 8 spectacles avec lui », acquiesce Félix Vannoorenberghe. S’il n’est évidemment pas le seul metteur en scène à avoir eu le plaisir de le diriger, Georges Lini occupe sans nul doute une place de choix dans sa famille artistique : « C’est un sublime lecteur. Il a le don de dénicher des textes super intéressants à porter et il y amène une vision passionnante », poursuit la révélation de l’année 2018 au Prix de la Critique Belge. « C’est aussi un excellent directeur d’acteur, très porté sur l’instant et sur la personne. Il est très impliqué et parvient souvent à voir en nous mieux que nous-mêmes. »

Condensé de talents
Avec La sœur de Jésus-Christ, Georges Lini a une nouvelle fois réussi son pari. Nommée dans les catégories « meilleur spectacle » et « meilleur interprète », mais aussi récompensée pour la « meilleure scénographie » (Charly Kleinermann et Thibaut de Coster) au Prix Maeterlinck 2023, sa création réunit de nombreux talents. « Je ne suis pas seul sur scène », tient à rappeler Félix Vannoorenberghe. « Florence Sauveur me donne la réplique en musique. Elle a composé la bande son et l’interprète en live. Sa musique souligne le texte et y répond. C’est un vrai dialogue. » Et à l’aube de cette nouvelle tournée belge, notre compatriote ne cache pas son plaisir de retrouver l’équipe et le projet : « La pièce a eu beaucoup de succès en 2023 et lors de la reprise au Poche en novembre 2024. Cette fois, nous jouons un peu partout en Belgique. Après un an et demi, on s’émancipe de certains détails qui nous absorbent au début et on profite mieux de l’instant présent. Ça devient plus ludique et on acquiert une certaine liberté ».

Western féministe
Il faut dire que l’exercice ne manque pas de piquant ! Salué par la critique pour sa prestation dans La sœur de Jésus-Christ, Félix Vannoorenberghe incarne sur scène une trentaine de points de vue, relatant la micro-révolution de Maria, dans un petit village très pieux d’Italie. « La pièce a été écrite par un homme – Oscar de Summa – qui la joue lui-même en Italie. Elle est écrite comme un conte : c’est un personnage qui raconte une histoire et qui fait parler les gens qui ont assisté à la scène », résume le comédien. Tel un pied de nez au patriarcat, la pièce emprunte les codes du western pour dénoncer ses travers. « Le western est un genre super masculin, souvent viril et violent, voire raciste. Mais ici, on se l’est approprié pour mettre en lumière une héroïne », s’amuse le jeune trentenaire. Pourtant, sur scène, c’est bien une voix masculine qui lui fait écho : « Maria ne parle pas – je n’aurais pas pu jouer la pièce sinon. Ce sont toutes les personnes qui sont autour d’elle qui parlent et qui se questionnent sur leur société et sur les violences qu’elle autorise ».

Au milieu de ce « triptyque des Antigone » mettant en scène des femmes qui désobéissent, le combat de Maria est donc celui de tout un village et, peut-être, celui de toute une génération ? « C’est l’idée de ce conte qui relate un miracle. Si cette micro-révolution a pu avoir lieu là, elle peut aussi se passer ailleurs ! », conclut Félix Vannoorenberghe.

Delphine Georges